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DATA : LE NOUVEAU CODE GÉNÉTIQUE DES OPÉRATIONS DE COMBAT CONNECTÉES

par le Général (2S) Jean-Paul PALOMÉROS, Ancien Commandant suprême allié Transformation (SACT) de l’OTAN et Conseiller Sénior chez CEIS-Forward Global

À travers les époques de la guerre militaire, la capacité à recueillir, exploiter et diffuser des informations, quel que soit le support médiatique, est devenue un outil de choix dans l’inventaire des leaders militaires. Au cours du dernier siècle, le développement des techniques de communication a conduit à des améliorations spectaculaires dans la génération et le traitement de l’information, offrant un avantage opérationnel décisif à ceux qui sont prêts et capables de tirer parti de la supériorité de l’information. Cette évolution a atteint son apogée avec l’émergence des technologies de communication numérique. Initialement, la numérisation était considérée essentiellement comme un moyen d’augmenter la vitesse, le débit et la quantité d’informations disponibles pour les commandants. Mais il est rapidement devenu évident qu’il y avait beaucoup plus à gagner en se concentrant sur la valeur opérationnelle de l’ingrédient clé de la numérisation, son véritable « ADN » : les données.

Aujourd’hui, les données sont indispensables pour alimenter les équipements numérisés modernes, former les leaders et les combattants dans des conditions virtuelles réalistes et stimulantes, tirer pleinement parti de l’analyse après action, et de plus en plus pour préparer et mener des missions réelles en quasi temps réel. Pour exploiter pleinement le potentiel des technologies numériques, de nombreuses forces armées ont lancé leur transformation numérique en commençant par numériser leur environnement opérationnel. Dans le processus, un nouveau paradigme a émergé : les opérations connectées centrées sur les données. Le principe est de donner à chaque acteur impliqué et connecté à la boucle opérationnelle la possibilité de devenir à la fois un générateur de données et un récepteur de données.

Il est ainsi possible d’alimenter en quasi temps réel, puis d’exploiter de vastes bases de données opérationnelles afin de permettre aux commandants, soutenus par des systèmes d’intelligence artificielle (IA), de prendre des décisions éclairées. Au niveau du combattant, cela ouvre la possibilité de garder une vue d’ensemble du théâtre des opérations et d’adapter le cours des actions en fonction de la situation en temps réel. C’est évidemment une description idéale du potentiel des opérations connectées centrées sur les données. Cela soulève de nombreuses questions clés concernant des éléments cruciaux de cette chaîne hyperconnectée.

Tout d’abord, comment assurer la fiabilité et la sécurité des réseaux opérationnels étendus, combien de redondance cela nécessiterait, et comment faire face à la disruption du réseau ou même à une partie de celui-ci. En ce qui concerne la nature, le rôle ou la fiabilité des systèmes de commandement coopératifs basés sur l’IA, le jury est encore largement indécis. Tirer pleinement parti de la transformation numérique grâce aux opérations connectées centrées sur les données reposera sur la volonté et la capacité à favoriser de nouvelles chaînes de commandement, de contrôle et d’exécution collaboratives et interactives, tout en maintenant la centralisation du commandement et en permettant l’indispensable subsidiarité au niveau tactique.

N’oublions pas la dimension humaine du défi numérique opérationnel. Les systèmes opérationnels Big Data seront aussi bons et aussi fiables que les data scientists et les algorithmes qui alimenteront ces moteurs d’IA. La cybersécurité opérationnelle reposera toujours sur l’expertise et l’engagement de cyber combattants de haut niveau. La nécessité d’une formation exigeante et réaliste pour les commandants et les combattants avec une approche virtuelle interactive devrait être considérée comme une condition préalable à la mise en œuvre de la transformation numérique opérationnelle.

Enfin, last but not least, les partenariats renforcés entre les utilisateurs opérationnels et les fournisseurs industriels ne peuvent plus être considérés comme une option pour définir, développer, exploiter et soutenir les composants centrés sur les données et connectés. En fin de compte, le succès de la transformation opérationnelle en réseau centrée sur les données reposera sur la maîtrise des technologies numériques les plus avancées, une collaboration efficace au sein d’équipes complètes capables de combiner des expertises très diverses, l’innovation et un esprit ouvert, le tout guidé par un constant sens de l’objectif opérationnel.

Les Vauban Sessions de 2021 représentent un rendez-vous idéal et désormais traditionnel pour les leaders militaires de l’OTAN et d’ailleurs afin d’aborder ces sujets cruciaux et passionnants dans un forum ouvert et collaboratif.